Wednesday, February 5, 2020

Compte rendu de la Conférence du Réseau Canadien sur la Défense et la Sécurité 22/11/2019 Diversité méthodologique pour étudier la défense et la sécurité au Canada


Le Colloque, du 22 novembre 2019 s’est tenu au sein de l’Université Laval dans le Pavillon La Laurentienne. Il fut organisé par Madame Anessa Kimball, Professeure agrégée en science politique, directrice du Centre sur la sécurité internationale et co-directrice du RCDS (volet sécurité). Cet événement s’est déroulé sous la forme de trois panels, le premier portant sur les études critiques et les diverses approches méthodologiques, le second sur l’analyse comparative entre les sexes au sein des Forces armées et des chercheurs travaillant sur les questions de défense et de sécurité au Canada, enfin le troisième panel portait sur le rôle de l’apprentissage automatique et de l’approche quantitative dans les études portant sur la Défense et la sécurité. Ces interventions ont été suivies d’un speed dating méthodologique et ou d’une session d’information portant sur l’action du RCDS animé par son directeur, le professeur Stephen Saideman. Enfin, une réception au cercle de la Garnison de Québec, dans la vieille ville de Québec, est venue conclure ce colloque.
Les mots de bienvenue ont été prononcés par la Professeure Kimball. Pour la directrice du CSI, les chercheurs commençants des recherches en défense et sécurité doivent faire face à une multitude d’obstacles. Aussi pour faire face, il est important d’intégrer de la pluralité et de la diversité tant dans les approches et points de vu que dans la méthodologie, mais aussi dans la langue. Ainsi, la formation des chercheurs doit reposer elles aussi sur ces diverses approches et sur une méthodologie forte.
Le premier Panel présidé par le Professeur Philipe Bourbeau, Directeur de l’École supérieure d’Études internationales, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la sécurité internationale et les migration à l’Université Laval, Il sera accompagné du Professeur Srdjan Vucetic de l’Université d’Ottawa et co-directeur du RCDS, ainsi que de Meaghan Shoemaker Doctorante à la Queen’s University.
Le Professeur Bourbeau en introduction des débats revient sur l’importance d’analyser les enjeux internationaux de façon pluridisciplinaire afin de mieux les comprendre.
Le Professeur Vucetic a ensuite accès sas présentation sur la pertinence de l'ontologie et de l'épistémologie pour les études sur la défense et la sécurité au Canada, faisant valoir qu'à mesure que les spécialistes des sciences sociales et les historiens qui étudient ce sujet devenaient plus réflexifs, et que la plupart des chercheurs acceptent qu'aucune analyse de la sécurité n'a jamais été neutre sur le plan ontologique. Enfin, il a souligné que les discussions méthodologiques devaient émerger d'une réflexion ontologique et épistémologique soutenue.
Madame Shoemaker a ensuite présenté une partie de ses recherches portant sur le déploiement des femmes dans les Forces armées. Ses travaux reposent sur une méthode mixte mêlant des entrevues et des data. Le résultat de ses travaux montre que le nombre de femmes dans l’armée augmente graduellement, cependant le déploiement des femmes dans les opérations de l’OTAN demeure limité. Ainsi, elles ont sept fois moins de chance que les hommes de participer à une opération extérieure de l’OTAN. Plusieurs facteurs permettent d’expliquer ce constat, comme la persistance de certaines barrières fonctionnelles et organisationnelles, mais aussi la peur d’un certain nombre de personnes vis-à-vis des risques : violences sexuelles et sécurité des troupes.
De plus, la mentalité de certains corps tels que l’infanterie demeure réfractaire au changement. En outre, il semblerait que la sélection pour ces missions serait basée sur une certaine forme de favoritisme ce qui nuirait à la représentation des femmes dans ces opérations extérieures.
Le deuxième panel est présidé par la Professeure Pauline Coté directrice des programme du BIAPRI et BA en science politique à l’Université Laval. Elle sera accompagnée de la Doctoresse Karen D. Davis Chef de la section de la recherche au Directeur général du centre de recherche et d’analyse (personnel militaire) au ministère de la Défense nationale canadienne, ainsi que Madame Solomon, doctorante à la Balsillie School of International affairs de l’Université Waterloo.
Dre Davis Commence sa présentation par une présentation des DGMPRA, cette structure de recherche composé de militaire et de scientifique travaillant sur les questions de défense tend à apporter un support scientifique au Ministère de la Défense nationale et ainsi accompagner et anticiper les changements socio-culturels en impulsant une culture du leadership. Il cherche également à stimuler l’engouement des étudiants en les faisant participer aux recherches. Les recherches actuelles portent sur le recrutement de membres des groupes de minorités, le recrutement et bien-être des peuples autochtones, le recrutement des femmes ainsi que l’intégration de la perspective de genre dans les rôles opérationnels, l’attitudes et comportements des membres des Forces armées canadiennes - CAF(congé parental ; attitudes à l'égard de l'orientation sexuelle), l’examen des systèmes d'équité en matière d'emploi, le racisme et la discrimination, la diversité et l’inclusion. La plupart des recherches se fondent sur des sondages, et sur une participation volontaire. Ce qui permet d’avoir rapidement des échantillons représentatifs et pertinents. Le Challenge consiste à intégrer les changements socio-culturels afin de mieux faire face aux évolutions sociétales. Ainsi, l’intégration d’analyses de genre participe à la meilleure compréhension et a la meilleure intégration de la diversité de genre dans les Forces armées canadiennes.
La présentation de Madame Bukola intitulée « Les mères, le chaînon manquant : une analyse critique des mesures antiterroristes axées sur les femmes », porte sur le rôle centrale des femmes dans la lutte contre le terrorisme cette présentation reprends ses travaux de recherche. Sa présentation comporte deux points saillants, une présentation de ses travaux, puis une présentation de sa démarche scientifique. Sa présentation tend à démontrer l’existence d’une asymétrie entre la perception politique du rôle de la femme dans la lutte contre le terrorisme et la réalité du terrain en effet « les acteurs politiques utilisent un langage sexué dans la lutte contre le terrorisme pour créer des catégories et des rôles qui différencient les hommes des femmes, et par conséquent, renforcent les déséquilibres.» Ces perceptions méconnaissent le rôle des femmes dans les organisations terroristes et notamment au sein de l’État Islamique. Elles leur attribuent des compétences qu’elles n’ont pas, car , sans formation adéquate, beaucoup de ces femmes ne sauraient pas distinguer un adolescent normal d’un adolescent en voie de radicalisation. En outre, elles ne souhaiteraient pas non plus détériorer les relations avec leurs enfants du fait d’une trop grande vigilance. Ainsi, il apparaîtrait que les chercheurs ne tiendraient pas assez compte du rôle actif joué par les femmes dans la collecte et l’analyse d’informations pour le compte d’organisations terroristes. Ces réflexions tendent à répondre aux questions suivantes : le fait d'être mère se traduit-il par la capacité et/ou le désir de lutter contre la radicalisation ? Comment les femmes embrassent-elles ou contestent-elles à ce rôle ? Pour répondre à ces questions, la conférencière se focalise sur le point de vue féministe inspiré
par Cynthia Enloe. En effet, la place centrale des femmes dans le foyer leur permet de déceler les premières signes de radicalisation et d’extrémisme de leurs enfants ou de leur mari. C’est Ainsi, qu’au Niger et à Londres, les femmes et mères, en dénonçant le comportement de leur mari ou de leurs enfants, participent activement à la lutte contre le terrorisme. Cette approche entraîna des investissements importants visant à transformer les mères en « mères espionnes ». Cependant, cette vision a deux limites, la première consiste en la marginalisation des femmes non-mariées et celles sans enfant. La seconde réside dans la mystification de la femme, ce qui empêche de les imaginer actrices dans des organisations terroristes violentes.
Le troisième panel intitulé « Apprentissage automatique et les approches quantitatives » fut présidé par Justin Savoie, Data Scientist principal à Vox Pop Labs, ce dernier était accompagné par le M. Jean-Christophe Boucher, professeur à l’université de Calgary et co-directeur du RCDS (volet opérations). Mais également par Tyler Girard, doctorant en science politique à l’Université de Western Ontario.
La présentation du Professeur Boucher portait sur l’impact des réseaux sociaux dans la mobilisation de la diaspora. Il se demande une diaspora peut influencer la politique de l’État dans lequel elle est implantée. Pour étayer ses travaux, il prit l’exemple de l’Ukraine et de la crise en Crimée entre 2013 et 2014. Pour certains commentateurs, le lobby canado-ukrainien a influencé la politique étrangère canadienne durant la crise ukrainienne qui opposa la Russie et l'Ukraine avec notamment les épisodes de l'EuroMaidan et l’annexion de la Crimée. Mais qu’en est-il vraiment ? L’ analyse de l’usage des réseaux sociaux dans cette crise permet de répondre à la question. En effet, les réseaux sociaux permettent d’atteindre un large publique tout en offrant une visibilité accrue. Dès lors, deux hypothèse furent énoncées, la première supposant que la mobilisation de la diaspora canado-ukrainienne devrait encourager la mobilisation d'autres acteurs de la société canadienne. La seconde estimant que l'encadrement canado-ukrainien de l'EuroMaidan et de l'annexion de la Crimée devrait influencer la façon dont les autres acteurs encadrent la crise. La vérification ces hypothèses s’est faite par le truchement de l’analyse quantitative et qualitative des tweets envoyés durant la période allant du 4 décembre 2013 au 23 mars 2014. Cette analyse a permis un découpage de la crise ukrainienne en six étapes : les manifestations de la place EuroMaidan et les affrontements entre les manifestants et la police (11 décembre 2013), l'assaut par des manifestants sur le Ministère de la Justice, les jeux olympiques de Sotchi, les petits hommes verts en Crimée, l'invasion officielle russe en Crimée, le référendum sur le statut de la Crimée). Ce découpage a permis de répartir, selon le « Louvain algorithme », la provenance des tweets et leurs affiliations entre : les membres de la diaspora, le gouvernement canadien, les pro-russes, la presse internationale et les autres acteurs. Ainsi, il est possible de constater que la diaspora a été active durant toute cette période, alors que la mobilisation du gouvernement canadien a commencé avec la crise en Crimée. De plus, il semblerait qu’il n’y ait que peu de liens d’influence entre la diaspora ukrainienne et la réaction du gouvernement canadien. Il semblerait en outre que la diaspora utilise majoritairement les réseaux sociaux dans le but de sensibiliser sa communauté.
La présentation de M. Girard portait sur l’impact de l’analyse quantitative dans la recherche en science sociale. Comment les prendre en compte ? Comment analyser le flux de données ? Comment convertir le résultat de tests inspirés par la psychologie en données quantifiables mathématiquement ? Les sciences sociales, en sont-elles capables ? En appliquant une méthode mathématique, il est possible de créer des indices pouvant mesurer plusieurs variables.
Cependant, il demeure difficile d’intégrer la notion d’incertitude. Il faut donc combiner des données empiriques et des données mathématiques afin d’avoir une vision la plus complète possible.
La Professeure Kimball conclut la conférence par quelques réflexions sur l’impact des études quantitatives sur la recherche en défense et sécurité au Canada. Aussi, il ressort qu’il n’existe pas de revue canadienne spécialisé dans ce champ de recherche. De plus, seuls 6 % des chercheurs utilisent cette méthode au Canada. Il est alors difficile d’échanger avec d’autre chercheurs qui n’utilise pas d’études quantitatives. Ce qui contribue à marginaliser d’avantage ceux qui les utilisent. Ainsi, en trente ans seuls 2,1% des articles en relations internationales intégrer des données quantitatives. Ce pourcentage tombe à 1% lorsqu’il s’agit des questions de défense et sécurité.


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